LA VOIX DE L’ACADÉMIE

Éditorial
Maroc : La jeunesse en rupture
Il est des réalités qu’on ne peut plus contourner. Au Maroc, la situation des jeunes n’est plus simplement préoccupante : elle est critique. Plus de quatre millions de jeunes sont aujourd’hui sans emploi, sans formation, sans perspective.
À côté d’eux, des diplômés qui errent de petits boulots en frustrations, formant une génération sacrifiée, rattrapée par un sentiment d’abandon et d’inutilité sociale.
Ce ne sont pas de simples chiffres. Ce sont des visages, des histoires, des espoirs brisés.
Depuis des décennies, les gouvernements se succèdent sans réussir à offrir à cette jeunesse les conditions d’un épanouissement digne. Pire encore, les jeunes sont souvent perçus comme une menace à contenir plutôt qu’un levier à activer.
Instrumentalisés à l’approche des élections, ils sont ensuite relégués au silence. Résultat : une colère sourde, mais désormais visible, se diffuse. Une défiance vis-à-vis des institutions s’installe.
Les réseaux sociaux ont ouvert une fenêtre sur le monde et renforcé leur conscience politique. Ils savent que d’autres modèles sont possibles. Et ils refusent d’être les spectateurs passifs d’un avenir qu’on leur confisque.
La réponse sécuritaire, trop souvent privilégiée face à la contestation, ne fera que renforcer la rupture.
Ce n’est pas l’ordre pour l’ordre qui est attendu, mais la justice, l’écoute, la reconnaissance. Une société démocratique et apaisée ne peut se construire sans la confiance de sa jeunesse.
Il est urgent de sortir de la logique du court terme. Ce que réclament les jeunes aujourd’hui, ce sont des politiques structurelles, inclusives, pensées avec eux.
Réformer l’école, créer des emplois durables, ouvrir des voies de participation citoyenne concrète : autant de chantiers qui nécessitent du courage politique, mais surtout une vision claire de ce que doit être le Maroc de demain.
Car le Maroc ne peut se permettre d’avancer à deux vitesses. Il ne peut continuer d’ignorer une partie de sa population sans risquer, tôt ou tard, une fracture sociale irréversible. Les signaux sont là, et ils sont clairs. À l’État de les entendre, avant que le fossé ne devienne abîme.
La jeunesse exige sa place, et elle a raison. Car sans elle, il n’y a pas d’avenir. Seulement du surplace, ou pire, un lent effondrement.
